LA CHEVRE MALADE

Publié le par Edouard de Chamboisson

 La chèvre malade

 

 

  

 

 

J’observe la grand-mère faire un drôle de manège entre l’écurie où sont parquées les chèvres et la grange abandonnée. Cette grange ne sert plus depuis longtemps qu’à entreposer des vieilleries. Elle est située à l’extrémité de l’habitation, grande bâtisse, ancien corps de ferme, séparé de la ferme voisine par un grand mur bâti pour durer, en pierres du pays, probablement ramenées des nombreuses carrières avoisinantes. Sûrement construit à la suite d’une fâcherie entre voisins ou peut-être même entre familles. De plus de deux mètres de haut, ce mur a probablement une histoire riche en événements que la grande histoire ignore et que les familles gardent secrète. Il court tellement de bruits sur les familles dans les petits villages. Il paraîtrait que lors d’un héritage, le père devant les disputes entre fils et gendres, aurait monté ce mur pour définir précisément le territoire de chacun d’eux. Le fait est pourtant que le mur de séparation des deux fermes remonterait à cette période de troubles familiaux. Mais ce ne sont là que des bruits. Les héritages se succèdent au rythme des décès et les seules vraies traces du passé se lisent sur les pierres tombales, isolées du monde des vivants par des murs. Cela ressemble à un pied de nez, à un avertissement que les hommes semblent incapables de saisir car ils renouvellent sans cesse les mêmes actes et les mêmes gestes, inlassablement comme si l’apprentissage de leur émancipation ne prenait jamais fin. Une autre vision des héritages est les toits des bâtisses, ils se morcellent en papiers de notaires. Ce sont les traces légales, celles qui fracturent le patrimoine en ne blessant personne. La voisine est justement dehors, Simone, la Simone pour tout le monde mène boire ses vaches à l’abreuvoir. Elle leur fait traverser la cour voisine en râlant et en pestant comme à son habitude. Elle est par son comportement verbal la terreur des oiseaux du village. Ses lutes journalières pour la survie de sa petite famille, les conditions archaïques de vie, commune à tous les cultivateurs et les éleveurs éloignés des grandes villes, le manque d’un minimum d’hygiène de proximité ainsi que les durs labeurs dont est fait le quotidien des femmes des campagnes, n’épargnent pas la Simone. Si sa vie semble si pénible, c’est probablement parce que, son époux ne participe pas aux corvées de la maisonnée. Son emploi est d’être journalier. Les faibles revenus que génèrent le cheptel familial ne suffiraient pas à faire face à tous les besoins du couple et de leurs enfants. Elle est énervée la Simone, elle l’est d’ailleurs toujours. Elle traîne derrière elle cette agitation chronique comme un mauvais rhume dont on prend l’habitude et qui ne dérange que les gens de passage. Je ne me souviens pas d’un moment de silence à l’apparition de Simone dans notre environnement. C’est ainsi que dès que Simone paraît, il ne se passe plus une seule minute sans que ses cris ne dérangent la faune qui hante ces lieux et par la même occasion, ne fassent sursauter ses voisins à chacune de ses crises. De l'autre coté du mur, chacun sait pourtant depuis toujours que la mère Fourneaux n'est pas dangereuse, du moins pour ses voisins, car pour le père Fourneaux, son "houme" comme elle dit, c'est autre chose.

Il se prend de temps en temps, lorsqu'il rentre dans un état d'ébriété un peu trop prononcé et qu'il insiste pour rendre hommage à son épouse, une bonne rouste dissuasive, mais sans jamais être salutaire semble-t-il. Le père Fourneaux est plutôt un brave homme. Engagé volontaire dans les troupes franches en quarante, sous-officier, il fait partie de ces hommes courageux, pénétrant derrière les lignes ennemies pour y semer la panique. Blessé, il réussit à rentrer avec ses hommes, un pied et une main gelés. Médaillé à plusieurs reprises pour ses actes de bravoure, il est aujourd'hui incapable de faire certains travaux pénibles. Les quelques vaches laitières, seul patrimoine du couple et ses journées de louages ne suffisent pas réellement à les faire vivre, aussi, le père Fourneaux s'est trouvé une autre activité assez lucrative. Il aide ainsi fortement le ménage à passer les mauvais jours et les moments difficiles des fins de mois, et surtout de la consommation excessive de vin qu'il ne renie pas. Il s'est fait chasseur de serpents. Une activité possédant tous les avantages, la liberté, le bon air, l'exercice. C'est une contrainte à la marche, car il faut aller à la recherche des reptiles. Ils se dissimulent là où les hommes n'ont pas encore mis leurs empreintes. Dans la nature la plus sauvage, dans les chemins les moins fréquentés, dans les rangs de vignes, long des murs non entretenus et dévorés par les ronces et les vermines, toujours en des lieux éloignés des habitations. Mais aussi plus proche des proies et des longues digestions tranquilles. Le choix du père Fourneaux s'est porté sur trois sortes de proies assez répandues dans la région.

L'aspic, une vipère très venimeuse reconnaissable par le rouge et le brun, couleurs repérables dans les broussailles et sur les pierrailles, ses lieus de prédilection. La vipère Péliade à tête rectangulaire que l’on ne rencontre que dans des espaces secs et la couleuvre, mais seulement celle de Montpellier, colubridé venimeux  pouvant atteindre deux mètres cinquante de long. Les Couleuvres ont un comportement particulier durant la saison d'été, il n'est pas rare d'en trouver une pendue au pis d'une vache pour en extraire le lait dont elle est friande. Elle est très habile à ce petit jeu. Fort heureusement, elle ne blesse jamais sa nourrice du moment, car sa mâchoire supérieure est dépourvue de crochets. Cependant, attention, s'ils ne sont pas visibles, ses crochets venimeux n’en existent pas moins, ils se situent dans sa gorge. Pour le père Fourneaux, tout cela est un secret de polichinelle. Il connaît tout des serpents, le meilleur coin, leurs couleurs, leurs habitudes, tout, du moins, pour ceux dont le gîte se trouve aux alentours de Chamboisson. Les techniques qu'il a dû apprendre pour les approcher ne s'éloignent pas trop de l'instruction militaire des Corps Francs, discrétion, surprise, rapidité. Ce sont là une partie des outils nécessaires à la pratique de son art particulier. Il faut peut-être ajouter à cela de la souplesse et une maîtrise absolue du calme et de la sérénité.

Les serpents n'ont pas d'ouïe, ils n'attaquent pas l'homme, et lorsqu'il arrive que l’un d‘eux morde un promeneur ou un paysan, c’est toujours par accident. Cela est toujours dû à un geste de défense instinctif dont la surprise et la peur sont les déclencheurs chez le serpent. Encore ne le fait-il qu’après avoir signaler sa présence par un sifflement de colère. Tous les serpents du monde n'ont que trois priorités, il semble qu'ils soient programmés génétiquement pour cela : manger, digérer, et dormir au soleil ou au chaud. Il est dès lors évidant que tout homme ou bête posant le pied ou la patte sur lui par mésaventure déclenche un processus de défense et non d'attaque. Le père Fourneaux se promène toujours en ayant dans sa main une canne de bois brun terminée au lieu d'une crosse ou d'un pommeau, par une fourchine en V. C'est la seule arme qu'il s'autorise pour cette chasse peu répandue.

Cette fourche de bois permet de coincer le serpent au sol pendant que le chasseur lui écrase la tête avec ses bottes ou ses brodequins. Peu d'hommes ont choisi cette activité. Ils sont en général courageux pour les tâches courantes, mais plutôt craintifs et même peureux devant les serpents, car, ils représentent le symbole du Malin dans bien des esprits paysans. Ceux-ci pourtant les côtoient chaque jour sur leurs propriétés et les chemins. Profondément croyants, jusqu’à la crainte, ces hommes et ces femmes sont d'une superstition maladive. C’est pourquoi, les prêtres, sorciers ou guérisseurs en font leurs choux gras. J'ai découvert par hasard cette occupation du père Fourneaux. Un jour, au début de l'automne, en musardant sur le chemin le long de la ferme des Fourneaux, pour aller chaparder quelques noix aux pieds de leurs arbres.

Je bute de mes bottes et je me baisse afin d’en connaître la cause. C'est un petit monticule de terre fraîchement remué. Ce pourrait être le travail d'une taupe ou le début d'un terrier de lapin. J'entends à ce moment un bruit derrière moi, le pas lourd et traînant me rassure, c'est le père Fourneaux, il arrive sans se presser. Je me redresse et je l'observe, il a toujours dans la main sa canne de bois brun. Il se rapproche lentement et constate la cause de mon arrêt, il a un sourire édenté derrière sa barbe en broussaille. Tout en continuant à coincer entre ses lèvres une cigarette roulée, brune de nicotine, mâchée et humide de salive mainte-fois aspirée, il me montre ce départ de motte du bout de sa canne. Il me demande de me reculer un peu et commence à farfouiller de son bâton pour écarter la terre et les petites mottes formant ce tertre. Il désamorce ainsi ma curiosité de limier féru de découvertes. Toutefois, mon attention reste vive car, les habitants du village affirment que le père Fourneau a les pieds aussi fourchus que son bâton. Quelle surprise ! Du bout de sa canne, le père Fourneaux soulève le corps mou, brun et rouge d'un serpent.

C'est un aspic. En remuant encore un peu le sol, il me laisse deviner quelques autres spécimens de reptiles. Je frissonne à leur vue. Le père Fourneaux s'aperçoit de ma réaction et, pour me rassurer probablement, me fait un petit descriptif de son activité, en commençant par le peu de danger que représentent ces animaux. Après tout m’affirme-t-il, comme les poules, les vaches et les hommes, ce sont des créatures de Dieu. Pour monsieur Fourneaux cette chasse, tout en éliminant un risque, est un revenu de complément indispensable. Parce que, la vente du lait  est une production est insuffisante, elle est d’autre part d'un rapport trop faible pour que le ménage puisse en vivre sereinement. La vente des têtes des reptiles à l'hôpital de loches lui permet d'améliorer son ordinaire. En second lieu, elle favorise le sauvetage de quelques personnes inattentives ou sottement mordues sur les chemins du canton. C'est ainsi que les explications de monsieur Fourneaux m'ont permis de ne plus craindre les serpents plus qu'il n'est convenable en tout cas. En tenant compte du fait qu'ils ont aussi peur que moi devant l'inconnu et l'ignorance, je me donne le courage de ne pas avoir peur. Bloquée dans la montée du jardin, à hauteur de la partie supérieure de la porte sur l’une des trois grandes marches de pierres brutes terminant le pentu de la cour, la grange n'a qu'une petite meurtrière de cinquante centimètres sur dix. Elle n’a pas de carreau. Elle est à la verticale.  Elle donne sur l'arrière du bâtiment à hauteur du jardin. Les murs sont tellement épais que même les jours de grands vents ou de grand froid, l'on ne ressent rien des changements atmosphériques dans cette partie du bâtiment. De plafond bas, le grenier chapeaute la grange. Il est garni de foin en abondance. Il dégage une odeur agréable, elle me débouche les sinus, mieux que toutes les méthodes habituelles, comme d'obstruer une narine en appuyant fortement dessus avec un doigt tout en soufflant violemment pour déboucher la seconde, cela empêche les allergies affirme la grand-mère ! Il règne dans cet espace une douce chaleur agréable l'hiver et une fraîcheur vivifiante l'été. Lorsque la chaleur extérieure est insupportable, sa fraîcheur fait dans un premier temps suinter des petites gouttelettes.

D’abord sur les parties du corps mis à nu, puis, cela se transforme rapidement en impression de fraîcheur intense évoluant vers le supportable puis l’agréable. J'hésite un moment puis, je me risque à pousser la porte. Elle résiste à ma poussée. J'insiste en y ajoutant un peu de fermeté et la porte cède avec un petit grincement de rouille. Je pèse encore un peu mon effort et la porte laisse un espace suffisant, juste ce qu'il faut pour passer la tête et jeter dans cet espace un regard aussi bref que possible. Celui-ci est tellement court que je n'ai vu que du noir. Je n'ai pas laissé le temps à mes yeux de s'adapter entre la lumière vive de l'extérieur et l'obscurité permanente de cette pièce presque brute de mur. Je ressors rapidement la tête et observe les alentours pour me rassurer. Je ferme les yeux en serrant très fort les paupières et je reste ainsi un petit moment en priant le bon Dieu pour que la grand-mère n'arrive pas en ce moment. J'ai les oreilles bourdonnantes et chaudes. J’ai l’impression qu’elles ont grandi tellement je force ces organes pour les obliger à m'apporter un maximum d'informations sur les bruits qu'il pourrait y avoir à capter dans l'entourage direct. Je passe à nouveau la tête dans l'embrasure de la porte. J’ouvre les yeux. Cette fois ci, grâce à mon petit stratagème, je discerne d’abord quelques formes vagues, puis, plusieurs outils et divers instruments de ferme. Sur la droite, appuyée sur le mur, je distingue très nettement une ancienne roue de métal, épais et rouillé avec une dizaine de gros et grands rayons. Elle a probablement appartenu à une faucheuse des années trente. Du même côté, pendu après un long piton de ferraille, une roue de vélo, elle brille encore un peu.

J'aperçois également, sur un support de bois, maintenu par des gros clous rouillés, une série de marteaux disparates. Certains ont des formes bizarres tel que celui-ci, allongé, l'arrière comme tous les marteaux et l'avant terminé par un pique extrêmement pointu, comme ceux de démolisseurs; tel que cet autre, juste à coté, dont la tête est arrondie et l'avant en forme de fourche pour retirer les clous probablement, d’autres encore dont les formes me captivent. De loin, l'éclairage réduit par l’étroitesse de la petite fenêtre et la porte à peine ouverte, me laisse à ma surprise deviner une autre forme. Elle ressemble à une croix au bout de laquelle, l'on aurait ajouté un manche de bois très court. Au centre, devant moi, se dresse une sorte de meuble en bois massif, une table ou bien encore un établi avec son étau de bois de forme fantomatique, accentuée par ma hardiesse et par mon insécurité relative dans cette pénombre.

Je m'habitue de mieux en mieux à cette lumière étouffée. Elle commence à me laisser entrevoir les secrets de la grange. Mon esprit curieux laisse aller mes yeux se promener parmi les richesses enfermées là depuis si longtemps. Elles excitent mon appétit d'aventurier en herbe. Mon imagination galope en tous sens, caracolant devant mes craintes passagères et indéfinies. Je m’étonne d’être si osé. Soudain, un bruit appuyé me parvient du fond de l'écurie, il me fait sursauter et battre le cœur à toute vitesse. Insidieusement, la peur de l'inconnu me procure au visage une chaleur envahissante, elle me paralyse un instant les jambes, puis les bras et les mains. Je suis tout d'un coup tellement mal à l'aise que ma réaction est immédiate.

Je tire violemment la porte sur moi après en avoir retiré la tête de l'embrasure puis, je reste un long moment appuyé au mur, à deux pas de la porte de la grange pour reprendre mon souffle. Je me ressaisis et, par crainte d'attirer l'attention de la grand-mère par mon absence qui pourrait être considérée comme trop longue, je m'éloigne un peu. Je me dirige vers la pompe à eau. Celle-ci se trouve à quelques mètres de la double barrière de bois peint de couleur rouge, devenu sombre, résultat de la cuisson naturelle des intempéries et du temps écoulé. Sous le bec de pompe, un grand bac taillé dans un bloc de pierre brute avec sa bonde, un bout de branche enroulé dans un vieux chiffon que l'on peut retirer ou remettre à volonté selon les besoins. Ce bac sert d'abreuvoir aux chèvres, le matin avant le départ aux champs car, elles se sont déshydratées durant la nuit, le soir à leur retour parce qu’elles ont marchés longtemps. Dès que les bêtes sont rentrées dans la cour, il faut remplir l'abreuvoir en pompant avec ardeur car cette vieille pompe est capricieuse, surtout l'été. Son grand âge ne supporte plus très bien la chaleur, et l'étanchéité de son mécanisme laisse à désirer, même lorsque le piston est bien graissé. S'il advient qu'elle ne serve pas pendant plusieurs jours, il faut alors la réamorcer avec les moyens du bord. Une vieille gamelle et une boîte à conserves font l'affaire pour recueillir l'eau restée au fond du bac dont la bonde est placée à quelques centimètres du fond. Entre la barrière et la pompe, appuyée au mur de séparation des deux fermes, se trouve la niche du chien. Elle est en bois, très haute et profonde. Elle est recouverte d'une épaisseur de feuille goudronnée pour éviter les infiltrations d'eau par temps de pluie.

Elle est surélevée, sur une dalle en bloc de roche, assez haute pour éviter la stagnation des eaux de pluie sous la niche. Il s’agit là d’un confort relatif mais suffisant pour un animal domestique. Une forte chaîne, de quelques mètres, suffisamment longue pour dissuader les intrus afin qu’ils ne puissent pas pénétrer dans la cour, est accrochée à un piton de métal fiché dans le sol. Le risque serait grand de se retrouver nez à nez avec le grand chien de berger d'une amabilité douteuse lorsque l'invité n'y est pas vraiment. Rien ne bouge dans la maison.

Je me rapproche de la porte ouverte le plus naturellement possible, je rentre et j'attends un instant pour pouvoir distinguer quelque chose. L'éclairage de la pièce se fait uniquement par la porte ouverte et par une petite fenêtre au-dessus de l'évier de pierre dont l’évacuation aboutit dehors, dans le petit jardinet de fleurs. A coté, du jardinet, l'appentis où le bois coupé est entassé, sec, prêt à servir. Chaque été, ce bois est débité en rondins d'environ trente centimètres, taille maximum tolérée par la cuisinière à bois allumée tous les jours de l’année, même l'été. Les soirées sont fraîches en toutes saisons, le gaz coûte cher alors que le bois court les haies dans les bordures des chemins. C’est un don de la nature.

Je suis maintenant habitué à l'éclairage ambiant et je constate que la grand-mère n'est pas là. Je ressors donc de la maison et je me dirige vers le hangar attenant. La double porte est fermée. Je la pousse comme à mon habitude en appuyant fortement l'épaule droite et une partie du dos contre le battant gauche, les pieds bien à plat sur le sol cimenté à cet endroit et je pousse de toutes mes forces.

La porte cède par à coups, le bas frotte sur le ciment et le bruit est épouvantable. La grange est vide et son plafond haut amplifie le bruit par sa résonance.

Je fais attention à ne pas porter ma tête contre la poignée, car elle dépasse fortement. Le tressautement de la porte, à chaque déblocage du sol sous la pression de ma poussée, me fait tressauter au rythme de trois centimètres par soubresaut. Les chocs sont rudes, ils agitent ma carcasse déjà mise à rude 'épreuve. Enfin, la porte est entrouverte et j'appelle :

Mémé

Elle me répond, la voix un peu bouchée :

ah ! C’est toi ?

Je suis un peu surpris car en effet, qui cela pourrait-il bien être, nous ne sommes que deux à la ferme. Elle sort de la chambre de son fils Guy actuellement au service militaire à la ville du Mans. Cette pièce a été construite en dur y trouver une certaine intimité, c'est la seule pièce du bâtiment disposant d’une clef. Elle ferme la chambre à double tour de clé et s'en retourne vers la maison en tenant dans sa main un grand bol plein de liquide, cela me fait immédiatement penser à la blessure du chemin des Guérets. Toute fois, l’odeur qui se dégage du récipient est forte et tenace, c’est l’odeur du produit de nettoyage des clapiers lorsqu’il y a eu myxomatose. La grand-mère entre dans la maison. Elle en ressort quelques instants plus tard avec un chiffon d'une main et le bol de l'autre et, comme je fais mine de la suivre, elle me demande de fermer la porte du hangar alors que flotte toujours l'odeur de grésil. Un peu déçu, j'obéis sans rechigner et j’attrape le bout de ficelle en raphia des colonies, installé là pour faciliter la fermeture de la porte.

Je tire alors de toutes mes forces. Je m'attends au freinage de celle-ci, et, arqué, les pieds bien à plat sur le ciment à cause de son poids, je parviens à la fermer après trois efforts successifs, pressé par le temps, car j'ai bien compris que la grand-mère, en me donnant cet ordre, voulait se débarrasser de ma présence certainement gênante L'épaisseur du mur m’interdit de voir où elle se dirige et le bruit fait en fermant la porte m’empêche d'entendre la direction de ses pas. Aussi, dès que la porte est fermée, je me dirige vers la grange que je trouve close. J’appuie mon oreille contre le battant de porte. J'entends remuer à l'intérieur, je sais maintenant que l'on me cache quelque chose et je suis tout émoustillé à l'idée de le découvrir. La grand-mère est matinale et se lève avec le jour. Elle commence immanquablement par préparer le petit déjeuner pour Gisèle et pour moi, c'est un vrai plaisir de sentir le café et le lait bien chaud.

Le café est préparé dans une grande casserole emplie d'eau dans laquelle la grand-mère verse la mouture qu'elle a obtenue grâce à son moulin en bois qu'elle ne nous confie jamais. Elle y ajoute une poignée d'orge grillé et laisse bouillir le tout sur le centre de la cuisinière à bois puis, passe l’ensemble dans un tissu en guise de filtre. A coté de ce récipient, elle pose le lait et ne le retire que lorsqu'il commence à monter dans la casserole, juste avant qu'il ne déborde. J'adore manger la crème, elle frissonne sur le lait quand celui-ci commence à refroidir; nous ne mangeons pas de beurre et cette crème y ressemble tellement que je m'en régale. Nous trouvons toujours sur la table près de la grosse miche de pain, deux ou trois pots de confitures et du miel.

Des confitures que fait la grand-mère avec les fruits du jardin. Nous les cueillons à la saison, nous les épluchons et les dénoyautons et notre tâche s'arrêtant là. Après cela, notre bonheur est bien évidement de les déguster, ce dont nous ne nous privons pas. S’en est un vrai régal. Le petit déjeuner se passe sans incident notoire, exception faite peut-être des quelques mots anodins d’apparence dont le sens n’a pas tout de suite attiré mon attention. Gisèle a fait remarquer entre la première et la seconde tartine de pain grillé recto et verso, grandes tartines de pain de deux livres, doré d'un brun légèrement brillant, que je passais beaucoup de temps dans la cour d'entrée ces derniers temps. Alors que d'habitude ajoute-t-elle, elle ne me voyait jamais traîner dans la ferme. Comme je n'ai pas relevé l'observation, aucun conflit n'a perturbé ce moment privilégié de la naissance d'un nouveau jour. Aussi, c'est sans méfiance que je continue ma surveillance des mouvements de la grand-mère. Après une toilette dans la grande cuvette d'émail blanc dans laquelle elle a versé l'eau chaude tirée du grand faitout d'aluminium, installé sur le coin de la cuisinière depuis le petit matin.

J'enfile mon short. Je passe un maillot blanc puis, par-dessus, un tricot de laine, fait main par la grand-mère, car les matinées d'été sont fraîches et légèrement humides à cause de la proximité de l’Indre, même si le village est construit sur la roche. Le brouillard est parfois sur Chamboisson. Il vient des prairies un peu plus basses. La vallée ne lui suffit plus, il se glisse en rampant, encadré par les guérets d’un coté et par le haut de Chamboisson de l’autre. Passé neuf heures, le brouillard se lève, il annonce les grandes chaleurs. Les vapeurs d'eau me collent à la peau. Je frissonne plus par l'effet du contraste entre le pigment encore chaud et le glissement des gouttelettes sur le duvet que par une réelle agression du froid. Je m'installe le long de la niche, une fesse sur le bac à eau et j'attends que la grand-mère fasse sortir les chèvres à l'abreuvoir. Lorsque celles-ci se précipitent pour boire après la nuit chaude et lourde, je les observe en les repérant les unes après les autres. Ce n'est pas facile de reconnaître chaque bête, certaines se ressemblent tellement, que seuls quelques signes, parfois infimes, permettent de les distinguer. La Blanchette, la Noiraude, la Rouquine ne posent pas de problème, mais, douze chieuves, plus trois Biquions et un bouc représentent un exercice de mémoire lorsque celui-ci n'est pas permanent. J'ai beau compter et recompter, rechercher les noms de chaque chèvre, il en manque toujours une et je crois bien que c'est la Rosette. Peut-être est-elle restée dans l'étable, je me dirige donc vers le bâtiment et je rentre en prenant mille et une précautions car la grand-mère doit être là à fourbir les litières et la suite va dépendre de son humeur. Elle est là, penchée. La grand-mère est en train de nettoyer le sol cimenté. Elle retourne sur un tas unique les fourchées de crottes et d'urine mêlée à la paille des litières, puis, reprenant le tout, elle le charge sur une brouette. En m'apercevant, elle m'invite de la voix, du regard et du geste à la vider sur le tas de fumier dans le jardin.

Je m'exécute avec d'autant plus de promptitude que je suis satisfait de mon intrusion, il n'y a pas de chèvre dans l'étable, il y a donc un mystère. Je pousse la brouette après l'avoir soulevée avec difficulté. Non pas à cause de son poids car elle n'est pas pleine à ras bord, mais parce que les brancards sont un peu gros pour mes mains. Mes doigts ne sont pas encore arrivés à maturité. Mais aussi parce que ces longerons sont très écartés et que mes bras ont encore du temps à parcourir pour être à la bonne taille. Les pieds, supports de la brouette sont eux aussi trop hauts pour moi. Je suis obligé de forcer sur mes jambes et mes aisselles pour agrandir ma taille de quelques centimètres afin que les pieds de cet engin ne touchent pas le sol et ses cailloux. Tous mes muscles d'enfant sont tendus à l'extrême et me font mal. J'arrive cependant tant bien que mal à monter la petite côte menant au jardin, le long des marches de pierres, au bout de la cour de ferme, après le coin du pan de mur, à l’angle de la vieille grange. Arrivé à destination, je délaisse les brancards. Je me positionne sur le côté de la brouette et en m'aidant de mes mains tout en appuyant de mon corps sur le bas flan du tombereau que je n’ai pas réussi à ôter de son support, je le fais chavirer. Je répands ensuite son contenu sur le sol, mélange de lisier, d’excréments, de crottes de biques et de paille fumante et malodorante. C'est fait, le contenu de la brouette forme un petit tas. Je me saisis de la fourche usée plantée sur le grand monticule de fumier. Elle a les piques raccourcies par l'usure des ans et n'est plus utilisée que pour épandre cet engrais naturel sur le sol du jardin avant de le retourner pour le préparer à de nouvelles plantations.

Je monte avec dextérité le petit tas sur le grand, puis je retourne à l'étable, poussant un engin devenu plus léger pour que la grand-mère prépare une nouvelle brouettée avant le retour des bêtes.

Gisèle est enfin sortie de la maison après avoir fait ce qui ressemble à une très grande toilette par le temps qu'elle y a mis, elle détache le chien et prend le bâton de bois blanc et dur resté comme toujours appuyé au mur derrière la pompe, signe de commandement pour les animaux de la ferme. En m'apercevant, elle a un petit sourire inquiétant, une fois encore, elle réussit à m'intriguer. Elle ouvre la double porte d'entrée et part en direction du chemin des Guérets, cela signifie qu'elle compte emmener les chèvres dans les prés de Chambourg, à d'Azay. Les petits biquions la suivent en gambadant, les chèvres suivent les biquions et le bouc comme à son habitude guerroie contre le chien. Celui-ci comme toujours, aura le dernier mot en lui pinçant le mollet pour bien lui faire comprendre où se trouve le maître et en l'obligeant de la sorte à rejoindre le troupeau. Tout ce petit monde bruyant reste bien groupé derrière Gisèle. Le chien ferme la marche. Il empêche les bêtes de s'écarter du chemin et de s'éloigner du petit groupe ainsi formé, jusqu'à ce que chaque animal puisse brouter l'herbe tendre et naissante après le ramassage de la dernière coupe des foins d'été. A nouveau seul dans la cour, sachant la grand-mère occupée au nettoyage de l'écurie, je me précipite vers la vielle grange avec toutes les précautions dont je suis capable, tout en soulageant la porte basse pour éviter le frottement du bois sur le ciment. Je pousse puissamment, mais avec quelque retenue en maintenant bien serré les deux clenches de métal, celle de la porte haute et celle du bas. En même temps, pour me donner l'illusion de sécurité je compresse mes tympans pour ne pas entendre le bruit que fera la porte en grinçant et en frottant un peu comme ferait l’autruche en enterrant sa tête pour ne pas être vue.

La porte cède et s’entrouvre doucement contrairement au double battant du hangar, sans faire le moindre bruit. Je comprends alors pourquoi je n'ai rien découvert auparavant.

Je n'ai pas pu identifier de bruits inconnus quand la grand-mère ouvrait cette porte. Surpris, je regarde les gonds et constate qu'ils sont huilés, ce qui explique bien des choses. Je n'avais pas saisi, ma curiosité n’avait pas été attirée car, lors de mon premier essai, il m’a semblé qu'elle grinçait quelque peu.

Décidément, cette affaire doit être importante pour que la grand-mère ait pris toutes ces précautions car enfin, nous ne sommes que trois dans cette maison, pourquoi autant de cachotteries ? Il me revient subitement un goût amer à la bouche. Je pense à l'affaire du lait et je commence à hésiter, faut il vraiment aller plus loin dans mes investigations, car, je commence à pressentir une odeur de souffre et de poudre. Faut-il tendre le brûlot à la grand-mère pour me faire brûler au vif si l’affaire est trop grave. Et quelles traces en garderais-je ? Les bâtons qu’ils soient tendus ou non marquerons mon esprit. Non, décidément, pour le lait, je n'ai rien vu venir, cette fois- ci, je saurai quoi avant qu'il ne soit trop tard ! . Je ne veux plus revivre un semblable affront, jamais. Je continue à pousser la porte malgré mes doutes. Ils s'insinuent dans mon esprit. J’ouvre d’autant plus fermement cette porte que je pense pouvoir le faire sans bruit et donc, éviter d'être surpris, du moins à cause de cela. Je rentre rapidement en prenant mon courage à deux mains, me souvenant de ce que j'avais aperçu à ma première et brève incursion.

Je colle immédiatement mon dos au mur, dans l'espace réservé à la porte lorsqu'elle est entièrement ouverte. J'attends un instant afin de laisser mon cœur cesser de battre la chamade, car, je n'entends plus que lui ainsi que ma tête résonner de coups de boutoirs. Le noir de l'endroit, la peur de l'inconnu, le silence anormal, tout cela ajouté au souvenir du bruit, objet de ma peur lors de ma dernière intrusion, me provoquent des gargouillis d'estomac et amplifient mon mal être. Ma respiration est oppressée.

Doucement, enfin, mon rythme cardiaque s'atténue, je m'habitue à la pénombre et comme par miracle, mes craintes se dissolvent en même temps que s’améliore ma vision.

La luminosité, s'étale par les deux sources, la porte entrouverte et la petite fenêtre coté jardin. J'aperçois maintenant très nettement l'établi ainsi que les outils pendus aux murs et puis soudain, j'entends bouger, les battements de mon cœur s’arrêtent. Un froissement de paille ou de foin, une sorte de grattement et quelques autres bruissements me parviennent aux oreilles et me forcent à me concentrer sur la signification de ces bruits. Très rapidement, j'additionne les éléments à ma disposition et je m'avoue ce que je pressentais déjà. Tout en m'approchant de la source de ces phénomènes, je regarde avec une attention soutenue en direction des bruits. L’ouïe, la vision et l’odorat sont déjà en éveil et m’indiquent clairement un point loin de n’être qu’imaginaire. Mon regard, comme dirigé par un radar, se porte sur un espace si précis que, immédiatement, je devine avec précision la forme, je la découvre sans réelle surprise.

Mon cœur se remet à battre. Rosette, la chèvre manquante est en train de ruminer tranquillement, couchée sur son flanc gauche, la tête tournée vers moi et ne semble pas avoir d'état d'âme particulier. Je me dégonfle comme une baudruche en retrouvant de vraies sensations et une respiration normale, car il me semble bien, depuis mon entrée dans la vieille grange que je croyais abandonnée il y a quelque temps encore, avoir oublié de respirer. En reprenant mon souffle, je retrouve mon odorat, il y a dans l'air ambiant encore cette odeur de grésil. A mon entrée dans la grange, Rosette arrête de brouter, se lève et pousse un bêlement à me faire dresser les cheveux sur la tête. C'est sûr, la grand-mère va me pincer en flagrant délit de curiosité. De toute manière, maintenant, je suis sur place, j'entreprends d'aller jusqu'au bout de mes investigations, par bravade, mais aussi pour faciliter mes recherches.

J'allume la lumière avec l'interrupteur, il se trouve, comme dans toutes les granges ou hangars, le long de la porte d'entrée. Toutes mes craintes s'envolent, l'éclairage illumine toute la vieille grange et les choses immenses dans la demi-obscurité reprennent une taille acceptable. Je regarde Rosette, elle est toujours debout et tout me semble normal. En tournant la tête pour faire une sorte d'inspection de la grange, je remarque un sceau en aluminium ou en Duralumin brillant de neuf, fermé par un couvercle et bizarrement, j'ai des picotements dans le dos. Je soulève le couvercle et je constate que le sceau est à moitié plein de lait. Soupçonneux, je repose le couvercle en m'interrogeant sur le pourquoi. Je n’ai à aucun moment porté attention aux manœuvres de la grand-mère. Il a pourtant bien fallu traire la rosette, elle aurait bêlé de douleur sans cela ? Le reste de la grange est bien tel que je l'avais aperçu. Elle est encombrée de bric et de broc, de souvenirs sûrement entassés là depuis des années par les uns et les autres, des objets sans valeur réelle, ils n'ont de vie que parce que les paysans sont trop pragmatiques. Faire du sentiment n'est pas nécessaire, aussi, il est certain qu'un jour, pensant que l'objet inutile aujourd'hui servirait peut être demain, il a été déposé là puis oublié. Mes réflexions ne m'ont rien appris que je ne sache déjà, c'est à dire rien. Après un dernier regard sur la Rosette, j'éteins la lumière et je tire la porte sur moi en quittant la grange. C'est dit, je demanderai à la grand-mère pourquoi la chèvre est enfermée dans cet endroit désaffecté. Je reste silencieux toute la soirée, je ne sais pas comment m'y prendre pour formuler ma question. Je ne sais pas non plus quand je dois la poser. C'est donc dans ce silence de ruminant que se passe notre repas. Gisèle est installée face à moi, le dos à l'évier et moi le dos à la porte.

Quant à la grand-mère, elle trône au centre de la demi-table dont le diamètre s'appuie sur le mur entre la porte et l'évier, elle orchestre le rythme du repas. L'abat-jour est recouvert de chiures de mouches, il est passé du blanc au gris, progressivement, avec discrétion, en se faisant oublier dans le temps. Il domine la lampe qui éclaire faiblement, Demain, c'est mon jour de garder les chèvres et Gisèle me demande si elle peut venir avec moi, j'hésite un instant avant de lui répondre car je me demande où est le piège.

Je finis par hausser les épaules et murmurer un oui dubitatif peu encourageant, mais cela lui suffit car elle ne manifeste aucune forme d'agression. Je saisis au vol ce bâton tendu sans intention particulière, me semble-t-il, pour glisser avec un manque de finesse évident en m’adressant à la grand-mère:

Grand-mère où elle est la Rosette, je ne l'ai pas vue ce matin?

Gisèle renchérit :

Oui c'est vrai, et la grand-mère répond simplement qu'elle est malade. La conversation est déjà terminée et chacun mange sa soupe en l'aspirant bruyamment avec des grandes cuillères d'aluminium  remplies à ras bord.

La réponse brève et coupante de la grand-mère me laisse sur ma faim de curiosité. Pourquoi avoir séparé Rosette du reste du troupeau, qu'elle maladie peut-elle donc avoir pour justifier son isolement ?

Pour ce soir, je le sais bien, je ne trouverai pas d'explication! Mais, si elle est malade, pourquoi la grand-mère continue-t-elle à donner le lait au laitier ?

La journée a été longue et instructive, je pense avoir droit à une bonne nuit de sommeil. Pourvu qu’elle ne soit pas trop agitée. Le repas terminé, je ne demande pas mon reste et je file me coucher après avoir dit bonsoir à Gisèle puis à la grand-mère.

Je me glisse dans mon nid, me recouvre de la grande couette de plumes et je m'endors sans efforts.

Mon intervention a dû avoir une incidence sur le comportement de la grand-mère car celle-ci, jusqu'à la guérison de la chèvre, n'a plus donné le lait au camion de ramassage, et sans trop savoir pourquoi, cela m'a fait plaisir.

J'ai ainsi pu remarquer les soins apportés aux mamelles de Rosette. Celles-ci étaient gonflées par des furoncles sur lesquels la grand-mère appliquait des tampons imbibés de grésil. Rosette a guéri de son infection certainement provoquée par des égratignures de ronces ou d'épines d'aubépines séchées. Toutefois, ma joie fut tempérée par une nouvelle réflexion : Je n'ai jamais vu la grand-mère jeter le lait de Rosette. Serait-il possible que celui-ci se soit transformé en fromage ou encore, que Gisèle et moi l'ayons bu dans notre petit déjeuner ?

Publié dans ROMAN

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